Zinacantan
Zinacantan
Les États du Mexique sont divisés en municipios. Si le terme (improprement traduit par « municipalité » en français) désigne une réalité administrative avant tout, ces « cantons » (traduction plus proche du sens du mot en espagnol) peuvent aussi refléter une unité culturelle propre à une zone. Si je vous raconte tout cela ce n’est pas tant pour vous permettre de briller dans les dîners que pour présenter Zinacantán.
Ce municipio du Chiapas
constitué d’une soixantaine de villes et de villages, présente une unité ethnique assez remarquable dans un pays aussi métissé que le Mexique : en effet, 99 % de la population des habitants descendent d’une souche maya tzotzil.
Pour cette raison, le « pays des chauves-souris » (telle est la traduction de Sots’leb, son nom en langue Nahuatl) conserve aujourd’hui encore une identité et des traditions qui n’ont leur équivalent nulle part ailleurs dans le pays.
Pourtant, le nom complet du municipio
et de sa ville principale est San Lorenzo Zinacantán, du nom de son Saint Patron. Les colons espagnols firent tout leur possible pour convertir ces « indiens » hérétiques à partir du 16ème siècle, en commençant par construire une église en bois qui, reconstruite depuis avec des matériaux plus solides, tient encore debout aujourd’hui.
En dépit des efforts des évangélisateurs catholiques, l’endroit reste bien éloigné de la chrétienté européenne, ne serait-ce que par les couleurs chatoyantes et les fleurs qui ornent les croix.
Le tourisme est une partie importante de l’économie de Zinacantan
mais les habitants tiennent à garder une certaine indépendance vis à vis de l’argent venu de l’extérieur. On ne saurait confondre un étranger, même maya, avec les locaux : les habits que ceux-ci portent sont fabriqués sur place à partir de la laine des moutons – animaux sacrés dans cette région – et ont des teintes distinctes de violet, de bleu et de rose.
Un des intérêts majeurs d’une visite de l’endroit est d’assister à l’une des nombreuses fêtes – notamment religieuses – qui ponctuent l’année, que ce soit la Semaine Sainte (en mars ou en avril), Pâques, le Carnaval (en janvier) ou la San Lorenzo (en août), mais il est rigoureusement interdit de prendre des photos.
Zinacantan n’a jamais renoncé à son particularisme culturel
Photographe amateur passionné par le Mexique
je dois avouer qu’une fois la frustration initiale passée j’ai beaucoup apprécié cet interdit : il oblige à vraiment observer les célébrations et à ne pas voir le monde à travers un objectif. Dans trop de villes touristiques du monde entier, on peut ressentir de la part des habitants un besoin de se « vendre » aux visiteurs. Pas à Zinacantan. Une telle volonté de ne pas se laisser corrompre force le respect.
Cet attachement aux traditions est aussi particulièrement présent les jours de mariage
Si vous avez la chance d’être sur place quand deux habitants décident de se dire « oui », vous pourrez voir de vos yeux la robe portée par la mariée : le huipil emplumé. Elle ne se porte qu’en cette occasion et la confection d’une seule prend plusieurs mois. Elle doit son nom aux plumes de poule blanche qui sont cousues à même le tissu.
La symbolique de ce vêtement éclaire le rapport
que les mayas tzotzils entretiennent avec la nature et les animaux : la mariée et son époux doivent développer une relation de dépendance mutuelle semblable à celle que la poule blanche a avec les humains, qui la nourrissent et la protègent et qu’elle nourrit en retour.
On voit donc que Zinacantan
n’a jamais renoncé à son particularisme culturel, que ce soit face aux colons espagnols ou face au tourisme moderne. Ne pensez pas pourtant que ce n’est pas un endroit accueillant, bien au contraire ! Du moment que vous le traitez avec le respect qui lui est dû, il vous le rendra. Lâchez donc cet appareil photo et ouvrez grands vos yeux et vos oreilles.